lundi 3 décembre 2007

Novembre


P'tain ! qu'est ce que je fous là moi ?

Une petite route de campagne, plongée dans le froid d'une nuit d'hiver.
Un brouillard dense ...
L'obscurité intense, épaisse ... presque vivante.

J'avance seule vers un lieu improbable, je suis certainement perdue...
Et je m'en fous.

J'ai l'impression que la nuit va m'engloutir, me digérer et qu'au petit matin il ne restera rien de moi.
Et je m'en fous.

J'appuies sur l'accélérateur.
Les virages sont de plus en plus serrés, la végétation déborde largement des fossés et dévore le bord des routes.
Routes sineuses où la destination importe moins que le trajet.

Je ne cherche plus ce foutu village, je ne veux pas arriver ... je veux rouler ainsi aussi longtemps que possible.
Ici je suis seule et à l'abri de tout et de tous.
Personne ne peut plus m'atteindre.

La conduite me détend plus sûrement que le sommeil, mon esprit s'affute telle la lame, et je tranche sans pitié ce brouillard de l'épée de lumière qui me précède dans ma course effrénée.
Et Novembre glacé se dresse parfois en mur blanc insaissisable devant moi.
Mur de mes peurs, voile dense entre moi et l'obstacle inconnu qui m'attend au delà.
Je fonce, pied au plancher, je n'ai plus peur.
Novembre m'a vu naître ...

Et peut bien me voir mourir.

Bolide téméraire, lancé trop vite sur une route trop étroite ...
Je me fous de tout, d'aujourd'hui, d'hier comme de demain, de tous.
Je navigue en plein néant, le monde n'existe plus que dans le faisceau impérieux de mes phares.
C'est moi qui décide ce qui est réel et ce qui n'est pas.
Je deviens le centre de ce monde de ténèbres intenses, je deviens le cri primal, l'intelligence première qui pose son regard sur les choses et leur donne un nom.
Tant que mon regard ne se pose sur rien, il n'y a rien.J
e peux même donner vie au néant ... ou le faire disparaître.

J'étais perdue, je suis désormais ici et maintenant, et l'instant et le lieu n'existe que parce que j'y suis.
Je suis ici et nulle part, dans cet espace clos, vaisseau lancé à pleine vitesse vers nulle part dans un noir d'encre...
D'ailleurs, qui me prouve que le monde existe encore au dehors ?


Au détour d'un virage, une lumière apparait.
Puis un panneau, une maison.
Un pont, je rentre dans le village baigné d'une lumière pâle.
Ma folie s'évapore, dissoute par la présence d'un peu de civilisation.
Je reprends pied dans la réalité.
Banalité et normalité.
Je regarde l'heure. Je suis en retard.
Je suis insignifiante à nouveau.

Je me gare et descends de la voiture, temple de ma toute-puissance, instrument de mon orgueuil.
Je replonge dans la masse informe de l'humanité.


"Brouillard en Novembre, Noël en Décembre" (Proverbe)

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