lundi 10 décembre 2007

Portraits du passé #2

(Première partie)

Un après-midi d'été, la chaleur est insoutenable dehors.
La maison aux volets clos a toutes les peines à garder un peu de fraîcheur.
Nous évoluons dans la pénombre de la maison de famille en attendant les heures douces de la fin de l'après-midi.
Au dehors, des gens arrivent, des amis ou de la famille, je ne sais plus.
Je descends les acceuillir.
Avant que je n'ai atteint la porte d'entrée, celle-ci s'ouvre, rectangle de lumière et de chaleur, un soleil à ma porte.
C'est dans cette lumière que tu apparais, grande silhouette blonde, franc sourire et visage juvénile ... un ange.
Ta présence est chaude et douce, éblouissante, plus rassurante que tout ce que je connais alors.
Tu fais brutalement entrer tellement de lumière dans ma vie que je crois renaître auprès de toi.
Pour la première fois, j'ai la sensation d'exister pour quequ'un.
Tu m'écoutes et me conseilles, je peux tout te dire.
Nous jouons et plaisantons, et pour la première fois personne ne rit de moi : nous rions ensemble.
Nous devenons vite inséparables, pourtant vient l'heure de se quitter.
Une promesse alors : je viendrai te rejoindre.

Une année passe, légère et sereine, ta lumière encore sur moi.
L'été revient et avec lui la joie de te revoir.
Cette fois-ci, c'est moi qui voyage : train, gare et retard ...
J'arrive au soir d'un 14 juillet, trop tard pour aller jusqu'à la ville.
Peu importe, nous montons sur les toits de la maison en chantier pour assister de loin aux feux d'artifices de villages alentour, c'est là encerclés d'étincelles que je savoure ma liberté toute neuve.
De là, tu me présentes tes amis et tous ne comprennent pas l'affection fraternelle qui nous lie. Amis siamois.
La mer, les rires, les jeux, les fêtes et les émois ...Un petit matin, nous mangeons des prunes en admirant le ciel et ses lumières. Aucun fruit n'aura jamais été meilleur.
Voici venu l'été des premières fois : premiers baisers, premier amour, première cigarette, première capote, première cuite et première gueule de bois, première insomnie, première virée à moto, premier rodéo en bagnole, premiers mots d'amour ...
Tu assistes, ange gardien, à mes aventures juvéniles et me met en garde en toute complicité.Trois semaines d'absolu bonheur, je ne veux plus partir, pourtant ...
C'est sur une nouvelle promesse que nous nous quittons, ton anniversaire ... j'y serai.

Ma mère me dit un jour "Tu sais, vous pourriez même vous marier, vous n'êtes pas vraiment cousins : sa mère et moi, on a grandi ensemble mais on est pas soeurs"
Je suis choquée : comment pourrais-je épouser un frère ?

Les mois passent et les lettres se suivent, j'ai un mal fou à écrire.
Je suis encore grisée par mes amours estivales et me la joue un peu romantique ... si puéril.
J'attends le mois de mai comme certains le messie ... te revoir !

Nous nous retrouvons comme si nous ne nous étions pas quittés.
Ballades et retrouvailles, plaisanteries et surprises party ...
Ta mère nous offre des cadeaux de jumeaux, des vêtements dans la même boutique et deux peluches quasi-identiques : deux ours, le tien est brun, le mien noir.
Le repas de fêtes est grandiose ... tu es grandiose du haut de tes 18 ans. On sabre le champagne ... les adultes se chamaillent en arrière plan, peu importe. Nous sommes tous là pour toi, tu es notre roi !Une nouvelle première fois : boîte de nuit !Je suis une gamine de 14 ans ... mais mon ange gardien a donné des consignes : tout le monde me traite comme une princesse, tous me respectent grace à toi ...
Je vis désormais sous ton impérieuse et puissante protection.
Pour la première fois, je me sens à l'abri du mal de ce monde.
Nouvelle séparation et nouvelle promesse : cet été sera le nôtre.

Mais cette fois-ci, je ne peux tenir parole : les adultes dans leurs conflits compromettent nos amitiés et nous briment. Je désespère ... et l'ennui me colle à la peau.

Puis revient le printemps, un nouvel anniversaire s'annonce, il sera sans nul doute plus brillant encore ... je revis ...

Pour mourir bientôt.

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